Commande publique responsable : un levier insuffisamment exploité
Rapport du CESE
Patricia Lexcellent, março 2018
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Resumo :
Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a présenté le 27 mars un rapport d’étude sur le thème de la commande publique responsable. Suite à l’entrée en vigueur de la réforme de la commande publique en avril 2016, le Cese dresse un premier bilan de l’impact des clauses sociales et environnementales. Il livre également des pistes de réflexions pour « optimiser le potentiel offert par le nouveau cadre juridique de la commande publique ».
Le Cese a présenté le 27 mars, en assemblée plénière, son étude intitulée « Commande publique responsable : un levier insuffisamment exploité ». Organisé en trois parties, ce rapport rappelle le nouveau cadre juridique mis en place par la réforme de la commande publique, avant de dresser un premier état des lieux de l’application de ces nouvelles mesures et, enfin, de proposer quelques axes d’améliorations en la matière.
L’achat public responsable mis en avant par les pouvoirs publics
Le Cese rappelle les dispositions qui permettent aujourd’hui d’intégrer dans les marchés publics des objectifs sociaux ou environnementaux. Il s’agit principalement de l’article 38-1 de l’ordonnance du 23 juillet 2015, qui dispose que « les conditions d’exécution d’un marché public peuvent prendre en compte des considérations relatives à l’économie, à l’innovation, à l’environnement, au domaine social ou à l’emploi, à condition qu’elles soient liées à l’objet du marché public. Elles peuvent aussi prendre en compte la politique menée par l’entreprise en matière de lutte contre les discriminations ». L’article 36 de cette même ordonnance permet quant à lui de réserver certains marchés ou certains lots à des entreprises qui emploient des travailleurs handicapés ou défavorisés. L’article 37 du même texte permet pour sa part de réserver des lots ou marchés publics entiers à des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Le rapport fait également référence à d’autres textes qui concourent à la mise en place d’une commande publique responsable. Il s’agit notamment de la loi ESS du 30 juillet 2014 qui impose aux acheteurs dont le volume d’achat dépasse les 100 millions d’euros d’élaborer une véritable stratégie d’achats socialement responsables. La loi relative à la transition écologique pour une croissance verte (17 aout 2015) permet également d’intégrer des critères liés à l’économie circulaire. Enfin, le Cese rappelle l’existence des plans nationaux d’actions pour les achats publics durables (PNAAPD). Le PNAAPD 2014-2020 fixe notamment pour objectif, à son échéance, que 30% et 25% des marchés publics intègrent respectivement une disposition environnementale et une clause sociale. Jugés ambitieux par le Cese, ces objectifs semblent effectivement loin d’être atteints.
Des résultats en deçà des attentes
Selon les chiffres relatés par ce rapport, 12,2% des marchés de l’Etat contiennent une clause environnementale et seulement 4,4% ont inclus une clause sociale. Les établissements publics sont meilleurs élèves puisque 24% de leurs marchés intègrent une clause environnementale et 12% contiennent une clause sociale.
Concernant la mise en place d’un schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables, seules 3 à 7% des 160 collectivités locales concernées ont rempli leur obligation en la matière. Le Cese félicite toutefois certaines initiatives telles que celle que la ville de Grenoble qui, alors que le montant annuel de ses achats n’atteint pas 100 millions d’euros, a tout de même décidé d’élaborer un tel schéma.
Interrogé pour l’élaboration de cette étude, le ministère des Armées a également fait bonne figure en relatant l’exigence de coton-bio équitable dans quatre marchés publics d’habillement, pour un montant total de 4,5 millions d’euros. Dans un accord-cadre, il a également prévu la réalisation de 100 heures d’insertion par tranches d’achats de 200.000 euros.
Une marge de progression importante
Pour faire de la commande publique un levier d’action efficace en termes de développement durable et d’insertion sociale, le Cese recommande tout d’abord de « mettre réellement en œuvre les possibilités ouvertes par la réforme de 2015 ». Cela induit une « volonté politique et un changement significatif des pratiques d’achats », changement pour lequel les acheteurs doivent être accompagnés. A ce titre, le Cese propose donc « d’accélérer les formations et les échanges de pratiques vertueuses entre acheteurs ». La professionnalisation de la fonction achats permettrait notamment aux acheteurs de maîtriser les outils de l’achat public responsable ainsi que d’autres pratiques telles que le sourcing qui, de manière plus globale, permet d’améliorer la qualité des achats.
Il préconise par ailleurs de « réviser certains principes pour produire des effets plus structurants ». Sont ici visés des principes nationaux et européens. Du point de vue interne, le Cese a relevé au cours de ses auditions des difficultés liées au partage de responsabilité dans les groupements momentanés d’entreprises. Pour y pallier, il propose de moduler la durée de la solidarité entre les entreprises, aujourd’hui fixée à dix ans, en fonction de l’objet du marché et des prestations à réaliser. Du point de vue européen, le Cese met l’accent sur la simplification des achats de proximité et de l’approvisionnement local. Il souhaite à ce titre qu’au-delà des labels, les acheteurs puissent exiger l’origine des produits, « conformément aux règles relatives à la protection des appellations d’origines et des indications géographiques (AOP et IGP)".