Voyage en alternative
Politique. Novembre-décembre 2015 (n°92)
Coordonné par Joanne Clotuch, Quentin Mortier, Politique, Belgique, novembre 2015
Il y a quelques mois (n° 90, mai-juin 2015), Politique consacrait un dossier aux initiatives de transition. Autour d’un entretien avec Rob Hopkins, cofondateur du mouvement né il y a une dizaine d’années, plusieurs « transitionnaires » exposaient leur point de vue. Mais de la théorie à la pratique, il y a un pas. Dans ce numéro, nous avions envie d’analyser ce passage et d’examiner de quelle manière il se concrétise. Mais également de réfléchir aux possibilités de changement d’échelle de telles initiatives, qu’elles se revendiquent ou non de la Transition, avec majuscule [1]. Dans ce dossier, nous souhaitons illustrer concrètement ce mouvement en donnant la parole aux acteurs et en explorant leurs projets.
De l’action locale au changement global, les initiatives de transition veulent peser sur le réel pour proposer une transformation de la société sans prendre le pouvoir.
De l’action locale au changement global, les initiatives de transition veulent peser sur le réel pour proposer une transformation de la société sans prendre le pouvoir. Aujourd’hui, le mouvement essaime à tel point que les acteurs économiques traditionnels s’en emparent. Ces initiatives inspirent aussi un renouveau au sein de l’économie sociale, notamment par le développement des coopératives citoyennes. Entre innovation et récupération, quels sont les risques et les écueils de la démarche ? Peuvent-elles peser sur le réel pour construire un vrai changement dont personne ne serait exclu ? Cette double approche, théorique d’abord, pratique ensuite, nous permet de nous forger une opinion et d’envisager de quelle manière nous pouvons nous inspirer de leurs projets pour construire la société de demain. Entre utopie et réalité, entre espoir et pragmatisme, il y a un avenir à tracer.
Pour entamer ce voyage en alternative, nous donnons la parole à des représentants de SAW-B [2], fédération pluraliste d’entreprises sociales et d’économie sociale, partenaire de Politique pour ce dossier. Véronique Huens compare deux démarches qui rapprochent producteurs et consommateurs : les groupes d’achats communs et la « Ruche qui dit oui ». Quentin Mortier propose ensuite une analyse des coopératives énergétiques citoyennes. Nous donnons ensuite la parole à deux acteurs liégeois. Venant l’un et l’autre de secteurs très différents, ils réfléchissent à une manière de redynamiser l’économie liégeoise. Leurs préoccupations environnementales et leurs projets se rejoignent parfois. Jacques Pèlerin envisage les opportunités qu’offrent l’innovation et la nature pour stimuler le marché. Il montre comment les acteurs industriels peuvent arriver à s’emparer des défis environnementaux. Christian Jonet évoque la Ceinture aliment-terre, expose concrètement les démarches entreprises et tire un premier bilan.
Se glissant au milieu de ce paquet liégeois, Emmanuel Bouchat et Joanne Clotuche se lâchent dans un billet d’humeur sur la Transition. Leur proximité intellectuelle avec les porteurs d’alternatives n’empêche pas un regard critique.
Enfin, Barbara Garbarczyk compare trois alternatives concrètes aux supermarchés.
Après ce parcours très belgo-belge, nous partons à la découverte d’alternatives dans deux pays européens particulièrement frappés par la crise financière de 2007, mais surtout par les mesures d’austérité qui ont suivi. Édith Wustefeld et Johan Verhoeven nous présentent le modèle des « coopératives intégrales » en Espagne qu’ils ont exploré pendant plusieurs mois. Dans un entretien, Georgia Bekridaki rend compte de la manière dont le collectif Solidarity4all soutient des alternatives en Grèce.
Enfin, ce dossier se termine par une approche historique et critique du secteur de l’économie sociale. Les expériences concrètes que proposent, individuellement, chacune des entreprises sociales constituent-elles, collectivement, une alternative en termes d’organisation économique et sociale ? L‘éclairage de Gabriel Maissin nous aide à répondre à cette question.
Ce Thème a été coordonné par Joanne Clotuche et Quentin Mortier.