BIlan de 20 ans de relations partenariales entre les Pactes et de la Fondation Charles Léopold Mayer (FPH): promouvoir la citoyenneté active du local au global
Martine Theveniaut, janvier 2017
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Résumé :
Chapitre un « Capacités d’un collectif citoyen à inscrire ses pratiques et ses propositions sociales dans la durée »
Chapitre deux « Vingt ans de relations partenariales avec la Fondation pour le Progrès de l’Homme »
Chapitre trois « Comment le partenaire s’est organisé pour réaliser cette transition transmission »
Chapitre 4 : Conclusion (Français)
« Proposition de mise en débat et partage élargi d’un bilan tourné vers l’avenir, les potentiels d’une citoyenneté active pour une mondialité à visage humain »
Dès les années 90, la Fondation Charles Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme (FPH) s’engage pour contribuer à des changements systémiques. En ouvrant un débat public national en 1995 pour « une loi cadre contre l’exclusion qui n’oublie personne et que personne n’oublie », elle ouvre un espace d’expression à des praticiens qui se reconnaissent dans une approche territoriale des enjeux de la cohésion sociale et de l’emploi. La constitution du Collectif des Pactes Locaux en 1998 en est une résultante. En admettant les temporalités longues des mutations, elle permet d’installer un partenariat au bénéfice mutuel des désirs et des objectifs de résultats qui mettent d’accord les parties contractantes. Ce bilan a reconstitué les étapes et les enseignements de cette coopération.
Sur cette base, les Pactes Locaux ont réussi à installer la confiance entre une diversité d’organisations et de personnes, mettant en évidence les potentiels d’une citoyenneté active, ancrée territorialement. La mutualisation de ces expériences par le voyage, un dialogue ouvert et sans jugement, ont permis de formaliser des références partagées. Si les contextes et les cultures diffèrent, ces nouvelles formes de coopérations à partenaires multiples répondent à des besoins concrets de la vie au quotidien et de la gestion des ressources communes. Elles rencontrent des problèmes similaires pour obtenir la reconnaissance et l’appui nécessaires à leur développement. Le partage d’une réflexion fondée sur une observation par soi-même a augmenté, chemin faisant, le sentiment de participer à une même communauté de projet et le désir de suites concrètes. C’est ce qui a conduit progressivement les Pactes Locaux à se faire «catalyseurs d’une méthode pour apprendre ». Les échanges lors de Voyages apprenants permettent de prendre la mesure des différences de signification pour les uns et les autres de notions essentielles telles que «community», «territoire», «économie sociale», «économie solidaire», «transition», «résilience», diversement comprises selon les langues et les contextes.
Or, il faut accepter de prendre le temps de s’écouter et de se comprendre, que ce soit pour progresser soi-même, démultiplier des solutions qui existent déjà, les transposer dans d’autres contextes ou à de nouvelles échelles territoriales. Porter des propositions ensemble, ce n’est pas si facile.
Sans vocation à devenir une structure, l’espace public ouvert par ce collectif a trouvé sa pertinence dans l’expérimentation de processus de convergence au service des initiatives, pour les rapprocher et les renforcer. Sa taille modeste a favorisé le développement de ses potentiels avec des effets démultiplicateurs qui ont fait levier. En chemin vers la production de nouveaux acteurs collectifs citoyens, ses caractéristiques sont la qualité des relations et de l’engagement de ses membres, la continuité de l’animation du groupe, le partage de références, une rigueur et un professionnalisme. C’est ainsi que leur cheminement, de l’informel au formel, du local à l’international en passant par l’Europe, a contribué à mettre en évidence les potentiels d’une expertise acquise à l’usage, mais aussi la persistance des obstacles qu’elle rencontre. Du fait même de ces orientations, Il n’est guère étonnant que son point faible ait été l’inscription de ses avancées dans le cadre des fonctionnements institués, marqués par une gestion des moyens dans le cadre de procédures qui menacent en permanence de dénaturer ou enfermer l’inventivité. Tant d’énergie absorbée pour maintenir un existant en place, quand bien même il est obsolète, plutôt que partir d’un bilan lucide pour faire face aux évolutions que le contexte rend nécessaire !
La réponse systémique tarde à se dessiner
Dans le préambule de stratégie générale de la dernière Convention signée en 2015 entre la FPH et les P’actes Européens, celle-ci «reconnaît que vingt-cinq ans après avoir fait sien le constat du Club de Rome de 1974 d’une triple crise des relations et de l’échange entre les sociétés, entre les hommes, entre les hommes et leur milieu de vie, cette analyse reste d’actualité. La situation a continué à se dégrader (…). Pour autant, malgré la multiplication de publications, de mobilisations et d’expériences nouvelles, la réponse systémique tarde à se dessiner.»
En effet, la globalisation économique augmente et accélère ses pressions pour tenter de s’imposer comme référence unique, du plus grand au plus petit des échelons. Sans vouloir faire l’éloge de la petitesse comme LA solution, notre expérience nous a appris que si le local et le global sont interdépendants, c’est dans un ancrage territorial donné que des solutions viables peuvent être mises en place : car ces solutions qui sont tout à la fois très complexes et très concrètes.
La méthode est un choix éthique
Prendre l’initiative de « faire » libère les individus concrets. En reprenant leur vie en mains, ils créent les espaces nécessaires à leur organisation ; ils anticipent des modes d’action appropriés aux finalités d’un changement de cap radical, cherchant comment intégrer les interdépendances nécessaires dans des coexistences possibles. En réussissant à intégrer la solidarité dans des systèmes d’action composites, leurs trouvailles produisent des règles acceptables, parce qu’appropriées à des situations concrètes. Dans leur diversité et leurs ressemblances, elles entretiennent le réservoir des ressources communes d’ingéniosité dont dispose l’humanité pour se penser elle-même et changer de cap sur le mode de l’autoconstitution active.
L’expérience forme, prend forme … et transforme.
Se comprendre demande du temps et de la bienveillance, mais se priver du temps de ce partage, c’est s’appauvrir. Des solutions éprouvées par le fait de les vivre dans un contexte donné de ressources constituent une possible référence pour servir à d’autres, car elle n’impose pas sur « un mode d’emploi type » du transfert, mais cherche le comment d’une adaptation / appropriation par des processus ouverts. Mutualiser, c’est partager pour se former, s’inspirer, s’organiser, diffuser des formes d’organisation et des méthodes qui renouvellent des questions anciennes en cheminant de l’individuel au collectif.
Mettre en pratique une réflexion non académique au service de l’action entre des « acteurs en recherche » permet de repérer des processus actifs, des dispositifs apprenants et d’en tirer des enseignements.
Le partage d’expérience et la production d’une intelligence collective dans le cadre de relations volontaires en réseau, caractérisent la contribution générationnelle du Collectif des Pactes. En cela, promoteur de la voie citoyenne à sa mesure modeste et tangible, laboratoire souhaitant contribuer avec d’autres à refonder un contrat social viable dans la mondialité. La route sera encore longue pour installer les conditions nécessaires à ces changements de cap. Encore faut-il en avoir la volonté! Tel est le chantier ouvert pour une mondialisation à visage humain.
Arrivés au moment de tourner la page - qui est aussi celle d’une époque - reste à constater la difficulté de la transmission directe de ces acquis aux jeunes adultes qui nous suivent. Le remplacement des membres fondateurs qui ont animé la vie des Pactes n’a pas été possible. Les membres plus jeunes ne se sentent pas suffisamment « chez eux» pour réinvestir cet espace. Nous avons atteint nos limites. Dont acte ! La génération suivante ne nous a d’ailleurs pas attendu pour développer ses propres approches et c’est tant mieux.
Cela ne nous dispense en rien de nous poser la question de la continuité d’une transmission de nos apprentissages et de leurs acquis pour servir à la génération qui nous suit. Notre époque nous fait, en effet, courir le risque majeur de transformations conduites avec une mémoire courte. Les alternances politiques s’accélèrent ainsi que la volatilité des consensus, entraînant des ruptures de continuité dont personne ne semble se préoccuper à la mesure des dangers que fait courir une dérégulation qui sape les fondations même de l’humain dans les inter-relations.
Transmettre « entre vifs » répond à une autre exigence que le devoir de mémoire qui honore celles et ceux qui ont payé, au prix fort, la liberté dont notre génération a disposée.
Transmettre c’est relier :
• Relier c’est relater, témoigner d’une expérience individuelle et collective. Oui, ménager et aménager des territoires vivants, vivables, ouverts et reliés, est un choix de vie et un engagement qui peut accomplir la dimension sociale d’une vie humaine. De ce point de vue, la fin de l’histoire n’est pas écrite, car la vie continue.
• Relier c’est passer le relais en créant des opportunités de partage avec la génération qui nous suit :
en poursuivant des participations croisées dans des activités pour créer l’occasion de se rencontrer « en situation ». Certains membres en ont exprimé le souhait, pour l’après-dissolution de la structure associative.
ou bien en mettant à disposition une documentation, constituée et organisée sur trente ans, pour apporter du grain à moudre au tri dans l’héritage que chaque génération est amenée à faire à son tour. C’est dans cette intention qu’après la dissolution, intervenue en décembre 2016, la mise à disposition des archives sera rendue possible pour une consultation papier, informatisée, ou orale pour les 4 ans à venir.
• Relier, c’est réarticuler ce qui a été disjoint pour recomposer la vue d’ensemble.
C’est dans cette intention que nous souhaitons que ce bilan puisse servir d’opportunité pour un débat ouvert et élargi, au service de la reconnaissance de la citoyenneté active comme une ressource-clé pour des solutions viables d’une part, et celle de la voie citoyenne comme un choix éthique, politique et méthodologique pour pacifier le monde de demain. Le déficit démocratique règne à toutes les échelles territoriales des solutions. Trop de chaînons manquent pour des partenariats beaucoup plus coopératifs, tenant compte des engagements sociaux de chacun.
• Relier, enfin, c’est faire nombre car à toutes les échelles des solutions, coopérer, c’est réaliser que l’union fait la force, que le partage fait grandir et que l’organisation fait l’efficacité.
Conclusions en anglais du rapport: A concluding proposal: to share this twenty-year review of the partnership between Pacts and the FPH to promote active citizenship that is interconnected from local to global.