GODIN, inventeur de l’économie sociale - Mutualiser, coopérer, s’associer.
Jean-François Draperi, Editions Repas, France, 2008
L’Histoire :
Fondé par Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), le familistère de Guise (1870-1968) apparaît aujourd’hui comme un des modèles les plus aboutis d’une alternative à l’entreprise capitaliste. L’objet de ce livre est de montrer qu’à travers cette formidable aventure, Godin prouve qu’il est possible de permettre à chacun de bien vivre, dans un habitat confortable et par un travail digne, où il est respecté, sans passer par la violence et sans appauvrir quiconque. En concevant cette coopérative d’habitat, de production et de consommation et cet ensemble de mutuelles et d’associations qu’est le familistère, Godin s’inscrit en rupture aussi bien avec le père de l’organisation scientifique du travail, F.W. Taylor, qu’avec la critique du capitalisme formulée par K. Marx. Ce livre démontre qu’on peut considérer Godin comme l’un des fondateurs de l’économie sociale et sans doute le plus moderne d’entre eux.
Godin constitue en effet le principal chaînon entre le premier XIXe siècle, celui de Fourier et des utopies socialistes, et le second XIXe siècle, celui de Marx, de Taylor et de la grande industrie. Son œuvre est irréductible à la fois à la pensée libérale et fonctionnelle, et à la pensée marxiste. Elle est l’une de celles qui contribuent à l’émergence d’une pensée et d’une pratique d’économie sociale. Au sein de cette tradition, Godin occupe une place à part. Ses propositions ne concernent pas seulement les convaincus - les militants recherchant une alternative -, elles s’adressent à tous les hommes.
Le commentaire des éditeurs
Il peut paraître étrange de trouver dans une collection qui rassemble des témoignages directs sur des « pratiques utopiques » contemporaines, un ouvrage comme celui-ci. Que peut nous apprendre en effet une histoire née au XIXe siècle en pleine révolution industrielle, dans un contexte politique, économique, social et culturel a priori si différent du nôtre ? Quel intérêt, autre qu’historique, peut-il apporter à une réflexion sur l’alternative aujourd’hui ? En publiant ce livre, les éditions REPAS prennent le pari que le lecteur du XXIe siècle y trouvera plus d’un écho à ses propres réflexions et pratiques. Godin est un personnage hors du commun, une sorte de génie précurseur qui anticipe sur bien des points, mais c’est avant tout un praticien, c’est-à-dire un individu qui crée, agit, construit.
Il prouve, en ce XIXe siècle industriel, que les chemins du travail et de la production peuvent dès cette époque être balisés autrement que selon les normes qui s’imposent alors et se perfectionneront ensuite avec Taylor, au sein du modèle de la grande entreprise de production de masse. Il démontre que l’alternative est de tous les temps et qu’on peut construire l’histoire par les actes d’abord et pas seulement par la pensée. Il s’affirme expérimentateur, croit en la possibilité des individus de changer leur environnement, de le maîtriser et de se l’approprier. Il ne fige pas l’individu dans une situation bloquée mais mise sur sa capacité à progresser grâce à l’éducation qui seule lui permettra d’accéder au statut de coopérateur. Il privilégie l’association et n’hésite pas à mettre ses idées en pratique avec les hommes (et les femmes - autre anticipation de Godin et non des moindres) avec lesquels il bâtit, bien au-delà du travail, une véritable contre-société coopérative. Pour toutes ces raisons, nous pouvons nous sentir aujourd’hui ses héritiers.
« Les idées, disait-il en 1884, ne reçoivent pas tout d’un coup leur application intégrale ; elles font leur chemin peu à peu et ce n’est qu’en les soumettant à l’examen et à la discussion qu’on ouvre la voie pour l’avenir. » C’est bien là la mission de ce livre.
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